CRITIQUE

Christine Glen 

Une énergie fondatrice par la couleur

Christine Glen ne peut pas se contenter d’être que le simple objet d’une histoire : elle lui dicte sa manière, la plie à ses désirs. Sa peinture est l’exact reflet de notre époque. En effet, contrairement à une idée couramment répandue, la peinture n’a jamais transcrit le réel, mais seulement la possibilité d’un réel. Le peintre travaille en fonction de sa culture, c'est-à-dire de son éducation, de ses apprentissages tant intellectuels que techniques et de sa sensibilité. Cette émotion, privilégiée au début du XXe siècle, a ensuite été rejetée par une partie de l’abstraction qui lui a préféré un intellectualisme tout aussi abstrait. Consensuel, le XXIe siècle naissant accepte la multiplicité des langages picturaux.

Christine Glen a commencé à peindre à l’adolescence. Elle a grandi au milieu d’amateurs d’art abstrait, dans un environnement moderne, un peu comme « Mon Oncle », le héros de Jacques Tati. Elle a essayé de comprendre pourquoi des artistes peignaient ce qui n’avait rien à voir avec la réalité. Après s’être défoulée dans l’abstrait, elle s’est demandée pourquoi elle agissait ainsi. Comprenant qu’elle fuit ce qu’elle ne maîtrise pas, Christine Glen décide de réapprendre les techniques de base. Elle applique stricto sensu ce qu’enseigne la théorie. Les limites de cette pratique s’imposent vite à elle : « Je suis tombée dans un figuratif pur qui ne me ressemblait pas. C’était un défouloir d’harmonies et de disharmonies qui dialoguaient parfois, s’entrechoquaient souvent. » Mais déjà, l’essentiel est en place : les formes arrondies, les couleurs fortes, une stylisation marquée… « La peinture est un combat avec moi-même, reconnaît Christine Glen qui n’a pas pour habitude de réaliser les choses à moitié. Je prends des risques, calculés toutefois. »

Qu’il s’agisse de ses peintures puzzles, bords d’eau, lumières d’Irlande et même de ses corps et lignes, le travail de Christine Glen est habité par une volonté simplificatrice. Il lui faut aller droit au but. Mais comment représenter le monde avec trois couleurs ou moins et aussi peu de lignes ou plans ? La réalité donne la première impulsion à son tableau. Puis elle nourrit son inspiration première de son imaginaire, de musique et des « choses de sa vie ».

« Je suis alors dans la retranscription. Par exemple, dans notre monde d’images omniprésentes, on ne voit plus les statues des parcs. Je les fais revivre par la lumière que je pose dessus. »

La lumière est crue, angoissante. Une fois appliquées les premières dominantes, Christine Glen appose les complémentaires pour accentuer les contrastes, puis, avoue-t-elle, « Je passe ma journée à éteindre le feu. » Sa manière de provoquer la théorie établie, s’accompagne d’une énergie fondatrice qui se traduit / transcrit sur la toile par la couleur. Elle s’accompagne d’une certaine violence, celle que nous côtoyons chaque jour dans le travail, les transports, jusque dans nos rapports avec les autres. Il s’agit de l’inquiétude d’une vie dépersonnalisée en marchandise et à laquelle s’oppose, à la manière d’un exorcisme, la force de cette peinture. Les peintres sont les éponges de leur époque. Ils nous renvoient parfois une sévère réalité. Sous la peinture de Christine Glen, percent ses aspirations aux choses simples et pérennes de la vie, comme une leçon de philosophie.

Alain Coudert

Critique d'art à la revue "Arts Actualités Magazine"